"Ana Djazairi",
"Bladi" ou encore "1.2.3 Viva l’Algérie" ...Non ce n'est pas les slogans des
prochaines élections communales, mais bel et bien quelques "tubes"
produits par une nouvelle génération d'artistes algériens, ou ce qu'on appelle
communément : La nouvelle scène musicale Algérienne.
Une nouvelle génération, post décennie noire…qui
a su s'imposer à coup de rimes et de riff, de
"j'aime" et de "tweet" ! en mélangeant les genres, les couleurs,
entre tradition et modernité , racines et universalité.
Une éruption de groupes de fusion, de
chanteurs et de chanteuses qui ont cette ambition -assumée ou non- de succéder
à des Cheb Hasni, Kamel Messaoudi ou encore
Matoub Lounes.
Mais voilà, sur fond de guerre civile,
Hasni chantait l’amour, Messaoudi l'espoir et Matoub militait à travers ses
textes engagés, et malgré la différence des genres, tout ces artistes avaient
un point commun, l'originalité.
Avec du recul on constate maintenant que
malgré la violence des années 90, notre culture musicale est restée intacte à
travers des textes comme la merveille de Yacine
Ouabed "Ya eddenya" ...la chanson algérienne n'avait pas
besoin à l'époque d'une carte d'identité labellisée.
Paradoxalement, la génération Internet n'a
pas suivi la même trajectoire, s'inspirant généralement des groupes "offshore" qui ont marqué le début des années 2000 tels
que Gnawa diffusion, la
nouvelle scène musicale algérienne trouve son essence dans les milieux estudiantins,
les scènes qui propulsent les différents groupes sont souvent une occasion pour
fêter une fin d'année, collecter des fonds pour une association ou vendre des
boissons énergétiques ... bref, une foire du "chti7 we rdi7" où la
chanson à texte avait rarement sa place.
Heureusement qu'il y a toujours les "revenants" pour booster l’élan artistique en Algérie,
et c'est un ex-futur chanteur engagé qui lance la mode de la nouvelle chanson
patriotique, à l'époque sortait sa très belle chanson "Algérie mon amour" véritable déclaration, chantée par une pléiade
d'artistes algériens exilés ...
Et Baaziz, qui à l'époque était interdit d'antenne, se
voit diffusé massivement à la veille des échéances électoralistes ou des fêtes nationales
... récupération pour les uns opportunisme pour les autres, le cas "Baaziz" fait toujours débat et rebondit de
polémique en polémique, quoi que son coté subversif et auto-dérisoire l'a
toujours sauvé ... "Gaa bandia
wlad lahram".
Mais en moins subtil et surtout en moins
drôle, on assiste ces dernières années à un phénomène musical qui ressemble à
un mouvement spéculatif à l'annonce d'une bonne nouvelle, des groupes semi-amateurs
"bouleversent" les ondes des radios nationales, de jeunes visages
apparaissent sur "l'unique",
"ses sœurs" et "ses cousines" du Nilsat , chantant l’Algérie,
la Patrie, la révolution d'un air conformiste et d'une harmonie politiquement
correcte ... c'est la Deriassa attitude V2.0.
Le phénomène ne s'arrête pas là : Fin
2009, l’Algérie se qualifie au mondial et une autre mode explose, les chants
des stades ... ces groupes d'adolescents dont l'expérience musicale se limite à
voir une table de classe de CEM en Derbouka, et désormais les expressions Oum
Dermane, Baltaguias ou encore Boum Antar Yahia! font partie intégrante de ces chants
nationalistes modernes.
Une évolution à la fois sporadique et
disproportionnée d'un phénomène qui, certes enrichit le paysage artistique
algérien, mais tend souvent à homogénéiser négativement la création musicale
populaire; à croire qu'écrire une chanson nationaliste est un passage obligé
pour avoir droit à une petite visibilité dans des médias contrôlés par une
tutelle qui étatise et politise chaque note et chaque demi ton.
Il y a internet certes, mais avec un taux
de pénétration qui frise le ridicule pour un aussi grand pays, ce n'est pas
demain que nos artistes pourront se lancer indépendamment du "circuit
conventionnel".
Heureusement qu'il y a des exceptions partout
et dans tout, et parmi ces artistes, une grande partie possède un talent
indéniable et une marge de progression énorme, seulement ... ce nationalisme
musicale qui se substitut à la création artistique pure, spontanée et populaire,
constitue un énorme frein au développement de la nouvelle scène musicale
Algérienne.
Yacine Adel